5.1.08

Communiqué du CRLDHT de janvier 2008 : Naoufel Sassi, jugé combien de fois pour les mêmes faits?

C.R.L.D.H.Tunisie
اللجنـة من أجل احترام الحريات وحقوق الإنسان في تونس
Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie
Membre du Réseau Euro méditerranéen des Droits de l’Homme
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L’Affaire du 4 janvier 2008
Non à la violation du principe de l’autorité de la chose jugée

Le vendredi 4 janvier 2008 une nouvelle affaire n° 14504 s’ouvre à la première chambre criminelle du Tribunal de première instance de Tunis présidée par le juge Hédi Ayari en vertu de la loi n° 2003-75 du 10 décembre 2003, relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d'argent,

Cet énième procès du genre concerne trente tunisiens parmi lesquels certains ont déjà été jugés et cinq le seront par contumace. Arrêtés en 2006, tous ont été victimes d’actes de torture et parfois d’abus sexuels constatés dans les différents centres de détention de la police ainsi que dans les différentes prisons qu’ils ont connu. Beaucoup d’entre eux ont été placés dans des cachots individuels, sans aération ni lumière, privés des moindres soins, de promenade quotidienne et de lecture. Quant à leurs familles, elles vivent l’humiliation au quotidien et sont en butte à toutes sortes de violences et de persécution.

Parmi les prévenus, Mr Naoufel Ben Slimane Sassi, 45 ans, père de quatre enfants, expert en gestion financière et en fiscalité a été arrêté devant son cabinet d’expertise situé en plein centre ville, à la rue El Jazira le mercredi 14 juin 2006 et détenu au secret pendant trois semaines. Sans nouvelles de lui, son épouse, Mme Houda Sassi, a déposé le 21 juin 2006 une plainte pour enlèvement auprès du procureur de la République, enregistrée sous le n° 7028436/2006 après avoir fait le tour de tous les hôpitaux et commissariats de la capitale ; d’autant que Mr Sassi souffre depuis sa dernière libération de violentes crises d’asthme qui nécessitent un traitement médical régulier.

Mr Naoufel Sassi a payé très cher son attachement à ses opinions. En 1990, il a été arrêté et jugé pour « appartenance à une organisation non autorisée » et a passé dix mois de prison ferme après avoir subi de longues séances de torture. En 1993 il est de nouveau arrêté, incarcéré au secret et torturé pendant quarante jours sans aucun jugement ; la famille ignorait tout de cette arrestation. Depuis sa libération, il a passé plus de six ans privé de ses droits les plus fondamentaux au travail, au passeport, à la sécurité sociale, et contraint à un régime très lourd de contrôle administratif.

Dans cette nouvelle affaire, il est poursuivi pour six chefs d’inculpation sur le fondement des articles 11 à 21 de la loi n° 2003-75 du 10 décembre 2003 dont « adhésion à une entente qui a fait du terrorisme un moyen de parvenir à ses objectifs, de l’avoir fait connaître, d’avoir utilisé un nom, un mot et un symbole pour identifier cette organisation, son activité et ses membres, de mise à disposition d’un local de réunion …. «

Il s’avère, suite à des vérifications, que des parties entières du dossier d'accusation de l'affaire en cours proviennent du dossier d'instruction du procès de 1990 pour lequel M. Sassi a déjà été condamné et a purgé sa peine. Les interrogatoires, les chefs d'inculpation et les différents témoignages sont identiques ; il s’agit d’une opération "copier/coller", par conséquent M. Sassi sera jugé deux fois pour les même faits !

La justice tunisienne a des antécédents quant à la violation du principe de l’autorité de la chose jugée. Il arrive souvent qu’elle défère le même prévenu, plusieurs fois devant la justice pour le même motif et les mêmes faits, dans le but d’exercer des représailles. Or, Le code de procédure pénal tunisien, en harmonie sur e pint avec le droit international, interdit de poursuivre ou de punir pénalement un individu pour une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné conformément à la loi par un jugement pénal entré en force. Les exemples sont multiples comme les dirigeants politiques du mouvement Ennahdha, MM Daniel Zarrouk, condamné à quatre reprises pour maintien d’organisation politique non reconnue, Frej Jami, condamné pour le même motif d’appartenance à deux reprises, Hamadi Labidi, condamné pour les mêmes accusations d’appartenance politique, Adel Ben Amor, condamné à deux reprises pour les mêmes accusations, Sadok Chourou, Ridha Boukadi, Mondher Bejaoui, Houcine Ghodhbane, Ramzi Khalsi….

Sous la présidence du juge Hédi Ayari, les citoyens Ahmed Amari, Khaled Rabii, Youssef Khedhri, Zouheir yakoub et Choukri Gargouri furent déférés devant le tribunal de première instance de Tunis, dans trois affaires 590, 591 et 595 déjà jugées par la cour d’appel de Sfax dans les deux affaires n°8672, en date du 16 décembre 1999, et n°8506. Ils furent de nouveau jugés par la cour d’appel de Tunis dans l’affaire 28423 en date du 1 juin 1999. Ils étaient donc poursuivis pour les mêmes faits.

Le CRLDHT considère que ces condamnations sont contraires au droit international, et en flagrante contradiction avec les lois tunisiennes en vigueur.

Le CRLDHT considère que le but de ces procès iniques est en réalité la criminalisation des droits fondamentaux des tunisiens, à savoir le droit à l’expression, à l’organisation et à la différence.

Il s’insurge contre l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir pour réprimer les dissidents tout en alertant l’opinion publique nationale et internationale sur l’état de délabrement de l’institution judiciaire tunisienne matérialisé notamment par le sort réservés aux juges les plus intégrés représentés par la direction on légitime de l’AMT ( association des magistrats tunisiens).

C’est la raison pour laquelle le comité place la revendication de la libération immédiate de citoyens comme M. Naoufel Sassi comme l'une des causes prioritaires du combat pour une justice impartiale et pour le respect des droits humains.

Paris, le 3 janvier 2008