5.1.08

Lettre de l'ACAT-France au Ministre de la Justice, juillet 2006 : Enlèvements et torture

ACAT-France
7 rue G.Lardennois, 75019 Paris
Fax : 00 33 1 40 40 42 44

A Monsieur Bechir Takkari
Ministre de la Justice
Ministère de la Justice
31 Boulevard Bab Benat
1006 Tunis – La Kasbah
Tunisie
Fax : 00 216 71 568 106

Paris, 18 juillet 2006

Monsieur le Ministre,

L’ACAT est préoccupée par la récente vague d’enlèvements de citoyens tunisiens dans différentes régions du pays. Les arrestations et les interrogatoires se déroulent dans le secret le plus total et les détenus ne sont retrouvés que des semaines plus tard, après qu’ils aient été écroués, ou libérés. Certains d'entres eux se sont plaints de mauvais traitements et de torture.

Ainsi Madame Habiba Ghazouani, de la Soukra a fait état de l’arrestation de son mari, Riadh Ben Mohammed Oueslati, dans la nuit du 10 juin 2006 à 1h du matin, par un groupe d’une dizaine d’agents de la Sûreté en civil qui ont fouillé son domicile. Il a été emmené dans un lieu inconnu, sans être informé du motif de son arrestation. Son épouse s’est présentée aux postes de police de la Soukra et de l’Ariana ainsi qu’au ministère de l’Intérieur, mais n’a obtenu aucune information sur son mari.

D’autres arrestations illégales ont eu lieu dans le pays. Naoufel Sassi, Nidhalat Zayyat, Rafik El Ouni et Mahfoudh Sayadi sont également détenus au secret. Les services de la Sûreté dans les régions ainsi que ceux du ministère de l’Intérieur, contactés par les familles, ont toujours nié avoir eu connaissance de ces arrestations et des lieux de garde à vue. L’ACAT craint que ces disparus ne soient victimes de mauvais traitements et de torture.

Or la loi tunisienne exige qu’en dehors du flagrant délit, toute personne faisant l'objet de poursuites doit être convoquée par écrit à la suite d'une commission rogatoire. Les raisons de la convocation doivent également être spécifiées. En cas de garde à vue, la famille du prévenu doit être informée de la procédure et de ses raisons. La garde à vue ne doit pas dépasser trois jours reconductibles une seule fois pour la même durée par autorisation écrite du Parquet. Le non respect et la violation de ces dispositions constituent de graves délits réprimés par la législation tunisienne.

L’ACAT demande instamment :
§ que les lieux de détention des détenus au secret soient révélés et que ces derniers soient libérés dans les plus brefs délais ;
§ l’ouverture d’enquêtes indépendantes concernant les affaires citées et toute autre détention au secret signalée par les familles des victimes afin de définir les responsabilités et engager des poursuites contre les responsables de ces délits.

Nous vous remercions de nous lire et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de notre plus haute considération.

Nicole PIGNON- PEGUY / Pôle Action

CC: Ambassade de Tunisie, 25 rue Barbet de Jouy, 75007 Paris